Cet hiver, pour sécuriser le système électrique français, les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures pour faire face aux pointes de consommation. Comme tout citoyen français, vous êtes concernés. L’Aspremontois vous explique tout !

Pourquoi la France manque-t-elle d’électricité cet hiver ?
La situation actuelle est la conséquence de plusieurs phénomènes :
• L’arrêt des livraisons de gaz russe en Europe réduit la production d’électricité de nos voisins européens et leurs capacités d’export.
• La production nucléaire est inférieure aux années précédentes :
o en raison du programme de maintenance approfondie de certains de nos réacteurs nucléaires pour en prolonger la durée d’exploitation au-delà de 40 ans ;
o du fait de la crise Covid-19, qui a perturbé les calendriers de maintenance ;
o du fait d’un problème de corrosion nécessitant des opérations de contrôle et de réparations de certains réacteurs
Piloté par RTE (Réseau de Transport d’Électricité), l’équilibre permanent entre l’offre et la demande d’électricité nécessite d’être toujours sécurisé lors des périodes hivernales, notamment au moment des pointes de consommation. Pour rappel, l’électricité ne se stocke pas. Il est donc indispensable d’anticiper les potentielles tensions sur l’approvisionnement d’électricité et plus globalement sur le système électrique.
En cas de vagues de froid importantes et durables, en dessous des températures normales de saison, la consommation d’électricité peut augmenter significativement si aucune mesure de sobriété n’est engagée.
Quels sont les moyens mis en œuvre par RTE pour éviter ces coupures d’électricité ?
En cas de tension sur le réseau électrique, RTE dispose de leviers à actionner pour faire baisser notre consommation d’électricité et éviter de recourir à des coupures d’électricité temporaires :
• La maximisation des capacités d’importation depuis nos voisins européens.
• La mobilisation de toutes les capacités d’effacement disponibles : des entreprises, industries ou particuliers décident de baisser leur consommation et sont rémunérés par un système de revente sur le marché. Cela permettrait d’économiser 3 900 MW, soit l’équivalent de 4 réacteurs nucléaires, ou la consommation d’environ 3 millions de personnes.
• La mobilisation de certains moyens de production de secours, comme les groupes électrogènes.
• L’interruption de la consommation d’électricité de gros sites industriels : par ce dispositif, RTE peut interrompre un ou plusieurs consommateurs industriels en moins de 5 secondes.
• La possibilité de baisser la tension sur le réseau de distribution électrique de 5% : cela revient à baisser très légèrement la performance des appareils électriques sans effet perceptible pour les Français.
• Appel aux écogestes citoyen avec un système d’alerte Ecowatt qui alertera les lorsque laconsommation d’électricité sera trop élevée, pour promouvoir des «écogestes» . Concrètement, le dispositif indique s’il y a un risque de tension sur le réseau électrique français, en temps réel et sur les trois prochains jours. Il rappelle les bons gestes à adopter pour une consommation responsable.
Et en dernier recours RTE pourrait décider de mettre en place un dispositif de délestage, ou coupures temporaires, pour une partie des clients dans une zone géographique précise, au moment des pics de consommation d’électricité, le matin de 8 heures à 13 heures et le soir de 18 heures à 20 heures. Cette disposition vise à écarter tout risque de panne généralisée (black-out) qui affecterait l’ensemble des clients et pourrait durer plus longtemps qu’un délestage.
Comment fonctionne le système d’alerte Ecowatt ?
Comme une météo de l’électricité, Ecowatt qualifie le niveau de consommation des Français. Des signaux clairs guident le consommateur pour adopter les bons gestes et assurer le bon approvisionnement de tous en électricité.
3 signaux sont émis tout au long de l’hiver par Ecowatt :
• Signal vert : pas d’alerte
• Signal orange : le système électrique est tendu. Les gestes d’économie d’électricité sont les bienvenus.
• Signal rouge : le système électrique est très tendu. Les gestes d’économie d’électricité sont indispensables pour éviter ou réduire les coupures d’électricité.
En cas de signal orange ou rouge, l’objectif est d’adopter des gestes simples pour réduire notre consommation entre 8h et 13h et entre 18h et 20h.
Au travail, il est recommandé de :
• Baisser la température et limiter l’éclairage de son lieu de travail
• Décaler la recharge des appareils électriques
Au domicile :
• Démarrer son lave-linge, son sèche-linge, ses plaques de cuisson et son four après 20h
• Veiller au respect de la température du logement à 19 degrés et baisser la température du logement à 16 ou 17 degrés en cas d’absence en journée ou la nuit
• Limiter la consommation d’eau chaude
• Eteindre tous ses appareils en marche ou en veille quand ils ne sont pas utilisés
• Limiter le nombre de lumières allumées dans les pièces et éteindre dans toutes les pièces inoccupées
• Limiter le visionnage de vidéos en streaming pendant les heures de pointe (télécharger ces contenus pendant les heures creuses)
Par exemple, si tous les foyers français chauffés à l’électricité baissent la température d’un degré en moyenne, cela permet d’économiser 1,3 gigawatt (GW) lors de la pointe du matin, soit la consommation d’une ville comme Marseille.
Plus d’information sur les gestes d’économies d’énergie sur monecowatt.fr.
Les coupures d’électricité organisées ou delestages, qu’est-ce que c’est ?
Ce sont des coupures d’électricité :
• Organisées : elles sont planifiées et mises en œuvre en dernier recours, lorsque tous les leviers disponibles ont été activés et que les économies d’électricité sont insuffisantes.
• Localisées : elles sont ciblées par zone géographique de 2 000 clients en moyenne (foyers et professionnels) alimentés par une même ligne électrique. Cela correspond à un quartier en ville et jusqu’à plusieurs communes en milieu rural. Plusieurs lignes électriques, réparties sur le territoire, sont concernées simultanément. Elles ne concernent donc pas toute la population.
• Temporaires : elles durent 2h pour les consommateurs concernés et sont limitées au strict nécessaire afin de limiter la gêne occasionnée.
L’ensemble des Français en métropole (hors Corse), quel que soit leur contrat d’électricité, peut être concerné par ces coupures organisées, à l’exception des quelques très gros consommateurs d’électricité qui sont raccordés directement au réseau de transport RTE.
En revanche, elles ne concernent pas les sites prioritaires définis comme des sites sensibles tels que les hôpitaux, les services d’urgence, les commissariats et brigades de gendarmerie, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), les centres pénitentiaires, certaines infrastructures de transports, les sites industriels à risque ou présentant un intérêt pour la défense nationale ou encore les sites indispensables à leur gestion (centres de crise notamment d’EDF, de RTE, d’Enedis…).
A quelle heure peuvent avoir lieu les coupures d’électricité ?
Si elles doivent être déclenchées, les coupures d’électricité auront lieu en semaine, de 8h à 13h puis de 18h à 20h. Ces plages horaires correspondent aux pointes de consommation d’électricité.
Qui décide et réalise ces coupures d’électricité ?
Si cela s’avérait être nécessaire, c’est RTE, en tant que gestionnaire du réseau public de transport d’électricité et responsable en temps réel de l’équilibre des flux entre la production et la consommation transportés sur le réseau, qui actionnerait le plan national des coupures d’électricité organisées, en lien étroit avec les pouvoirs publics.
Elles sont planifiées par RTE et mises en œuvre à distance par les distributeurs d’électricité (Enedis pour 95% du territoire métropolitain continental, et les Entreprises Locales de Distribution (ELD) pour les 5% restants).
Comment puis-je savoir si ma ville ou mon quartier sera concerné ?
La veille du délestage, aux alentours de 17h, les Français seront invités à consulter les outils mis en place par les gestionnaires du réseau de distribution d’électricité de leur territoire, disponibles à partir du site de RTE, monecowatt.fr
Ces outils permettront aux clients de saisir une adresse et de savoir s’ils sont concernés ou non par une éventuelle coupure temporaire le lendemain, et à quelle heure.
Quels sont les sites qui ne sont pas concernés par les coupures organisées ?
Dans chaque département, le Préfet a établi la liste des usagers prioritaires qui ne peuvent pas subir de coupure d’électricité organisées.
Les listes des usagers prioritaires priorisent les hôpitaux, les services d’urgence, les commissariats et brigades de gendarmerie, les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), les centres pénitentiaires, certaines infrastructures de transports, les sites industriels à risque ou présentant un intérêt pour la défense nationale ou encore les sites indispensables à leur gestion (centres de crise notamment d’EDF, de RTE, d’Enedis…).
Quel comportement adopter pendant les coupures ?
Pendant les coupures, les Français sont invités à :
• Appeler en priorité le 112 (appel gratuit) pour toute urgence, si vous n’avez pas accès, par votre portable, au réseau téléphonique ;
• Venir en aide aux personnes fragiles ou isolées ;
• Anticiper la non-disponibilité de certains services du quotidien (distributeur d’argent, porte de garage, accès aux immeubles) ;
• Ne pas prendre l’ascenseur quelques minutes avant l’heure de la coupure ;
• Etre vigilant au risque d’incendie en cas de recours aux bougies et aux cheminées.
Est-ce que je pourrai toujours passer des appels téléphoniques et contacter les services d’urgence en cas de coupure ?
Si RTE devait recourir aux coupures organisées temporaires, elles pourraient entraîner la coupure des antennes dans les zones concernées et donc une interruption des communications téléphoniques.
La possibilité de pouvoir joindre les services d’urgence est une priorité. RTE, Enedis, les ELD et les opérateurs de téléphonie travaillent actuellement pour maintenir au maximum l’accès au numéro d’urgence 112 en cas de coupure organisée.
Le 112 est le numéro d’appel d’urgence multi-opérateur, c’est-à-dire que vous pouvez le composer quel que soit le réseau de couverture, y compris si le nom de votre opérateur ne s’affiche pas. Les opérateurs du 112 transmettront la demande de secours au service compétent (sapeurs-pompiers, police, gendarmerie, SAMU) : ils sont en interconnexion permanente.
Cependant, dans certains endroits moins bien équipés en antennes relais, il peut rester inaccessible. Dans les cas où le 112 ne pourrait pas fonctionner, d’autres dispositifs seront mis en place par les préfets (ex : îlot de sécurité, patrouilles renforcées, etc.).
Qu’est-il prévu pour les personnes soignées ou hospitalisées à domicile ?
Les patients à haut risque vital, soignés à domicile, sont déjà identifiés par l’Agence régionale de santé et les gestionnaires de réseaux d’électricité (Enedis et les ELD).
En cas de signal « Ecowatt rouge », les gestionnaires de réseaux d’électricité prendront contact avec chacune des personnes concernées et s’assureront de la bonne connaissance du signal « Ecowatt rouge », trois jours, puis, si nécessaire, deux jours avant et la veille de la coupure annoncée.
Les ARS, en lien avec les gestionnaires de réseaux d’électricité, se coordonneront pour que les meilleures solutions soient anticipées et vérifier que ces patients à haut risque vital et/ou soignés à domicile aient une alimentation électrique autonome et suffisante supérieure à deux heures.
Dans le cas contraire, les préfets seront saisis et les services de secours procèderont si nécessaire à une évacuation préventive des personnes concernées vers l’établissement de santé le plus proche de leur lieu de résidence, ou un site prévu à cet effet disposant d’une alimentation électrique.
Édito de LIONEL PAOLI Reporter politique edito@nicematin.fr
On savait que ce gouvernement manque parfois de jus dans la mise en œuvre de ses réformes ; on découvre qu’en matière d’anticipation des crises, il n’a pas la lumière à tous les étages. Pas plus – soyons francs – que certains de ses prédécesseurs. Ce n’est pas un hasard si notre pays, qui était jusqu’à l’an dernier le premier exportateur d’électricité en Europe, se retrouve aujourd’hui dans la nasse. Les atermoiements sur le nucléaire font que plus de la moitié de nos réacteurs sont en rade. Les centrales au fuel et à charbon, trop polluantes, ont été fermées sans que le retard sur la production d’énergies renouvelables ne soit comblé. Pour justifier cette débâcle, la guerre en Ukraine et la Covid ont bon dos ! Les coupures annoncées promettent des difficultés en cascade. Si les écoles ferment, qui gérera les enfants ? Sûrement pas les parents englués dans les embouteillages provoqués par la paralysie des trains, trams et métros. Quid des Français qui vivent dans ces bâtiments modernes où les portes ne s’ouvrent qu’avec des cellules électriques ? Au programme des réjouissances, les ruraux vont vite constater qu’ils sont plus impactés que les urbains. Si l’on vit à Paris dans une zone constellée d’hôpitaux, de tribunaux et de commissariats, la probabilité d’être ciblé par une coupure est quasi-nulle. Alors que dans les campagnes, où la densité d’antennes relais est moindre, les téléphones risquent de devenir aphones. Plus d’Internet, plus d’appel d’urgence possible même en passant par le 112. Une cartographie des équipements est toujours « en cours d’élaboration », ose le ministère. Installer des batteries au pied des dizaines de milliers d’antennes mobiles ? « Cela prendrait au moins cinq ans », confesse la directrice générale d’Orange. Avant de lâcher cette pépite : « Je crains que nos concitoyens ne découvrent que les réseaux télécoms dépendent de l’électricité. » Consolation paradoxale, les personnes concernées seront mises au courant trois jours avant. Le temps nécessaire pour faire un stock de bougies et prier saint Thomas Edison pour que l’hiver soit clément. La cellule interministérielle de crise travaille aussi sur un scénario de black-out total, nous souffle-t-on, « mais sans trop y croire ». Ça tombe bien, nous non plus, nous ne croyons plus à grand-chose. Comme disait Albert Einstein, il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre.